"Le catalogue raisonné Harburger, modèle d’instrument de recherche
sur les spoliations"

Didier Schulmann

Conservateur au Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, à Paris

 

Le 11 juillet 2015, une discussion conclusive clôtura la dernière journée de l’Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky dont Sylvie Harburger fut l’une des participantes. Elle avait été consacrée, pendant dix jours, aux spoliations des œuvres d’art par les nazis considérées du point de vue des sources (archives, documentation écrite et en images, témoignages). Thierry Bajou, conservateur en chef du patrimoine au Service des Musées de France, y intervint pour comparer les traitements et la diffusion de l’information qu’en font respectivement les musées et les catalogues raisonnés. Il fit très judicieusement remarquer que, si les musées ont encore des efforts à faire pour préciser les historiques des œuvres de leurs collections impactées par des actes de spoliations, les catalogues raisonnés ne sont guère plus prolixes sur le sujet. Il est exceptionnel que leurs notices soient à ce point détaillées pour mentionner explicitement qu’une œuvre ait pu être « appropriée » par un service ou une organisation nazie, où que ce soit en Europe, dans le contexte des persécutions antisémites initiées par le IIIe Reich.

À Paris, le Jeu de Paume était le centre du regroupement, du tri et de l’expédition vers l’Allemagne ou les réseaux d’écoulement des œuvres spoliées, principalement aux marchands ou à des collectionneurs renommés. De grands chefs-d’œuvre figurent sur l’une ou l’autre des deux seules photographies connues, et très publiées, de la « salle des Martyrs » du Jeu de Paume où les nazis stockaient leur butin de peintures modernes1. Alors que leur présence ne fait aucun doute sur les raisons qui les ont conduits là, aucun n’est renseigné comme ayant été spolié, dans l’historique des propriétés successives, tel que les déploient, après la guerre, les notices des catalogues raisonnés des artistes concernés2.

Pourtant, ce genre éditorial assez confidentiel et bien particulier qu’est le catalogue raisonné a pour « mission » de répertorier toutes les étapes de la vie d’une œuvre. Depuis quelques années, à l’initiative du marchand genevois Marc Blondeau, un formidable instrument de travail a été publié et il est régulièrement mis à jour : le répertoire de 1500 catalogues raisonnés3. Dans le prière d’insérer qui en présente l’utilité, les auteurs précisent ce qu’est leur objet : « Un catalogue raisonné est un ouvrage qui fait référence sur la légitimité des œuvres et qui recense de manière exhaustive soit la totalité de la production d’un artiste, soit son œuvre complet par medium, ou pour une période délimitée. Quelle que soit la forme choisie, le catalogue raisonné doit répertorier pour chaque œuvre les données techniques, la provenance, l’historique ainsi qu’une bibliographie complète accompagnée par la reproduction de l’œuvre. »

La prochaine édition d’Art Catalogue Index recensera donc ce nouveau pavé – les catalogues raisonnés sont toujours des pavés – dont la notice bibliographique s’insèrera entre celle dont les recherches d’Helmut Friedel sur Noriyuki Haraguchi ont produit 205 pages en 2001 et celle de la publication, par Donald Kuspit et Frederick Turner, de Frederick Hart : complete works, 2007, 314 pages. En revanche, ce que l’Art Catalogue Index ne mentionnera pas, car ses recensions sont signalétiques et ne sont pas des notes de lecture analytiques, c’est la rigoureuse investigation que Sylvie Harburger a conduite pour renseigner et documenter exactement, non seulement que telle ou telle œuvre de son père a été spoliée, mais où et à quelle date, et les étapes par lesquelles chacune est passée, en Allemagne, en France ou en Israël, jusqu’à sa restitution ou sa re-disparition.

J’ai4 beau avoir un penchant tout particulier pour les artistes qui n’ont que quelques œuvres dans les collections publiques, maintenues le plus souvent dans les réserves des musées depuis leur acquisition, n’ayant que rarement senti sur elles la lumière qui éclaire les cimaises et oriente le regard des visiteurs, jamais, je le crains, ma curiosité n’aurait croisé l’œuvre de Francis Harburger s’il n’y avait eu, depuis vingt ans, le « retour » sur la question des spoliations d’œuvres d’art par les nazis. Lorsque – au milieu des années 1990 – on s’intéressa de nouveau, après les quelques courtes années de la Libération, à cet aspect des persécutions, l’ampleur de ces spoliations était sinon connue, du moins sue ; on savait l’essentiel : que les nazis avaient pillé par milliers, puis qu’un grand nombre d’œuvres avait été retrouvé et restitué. On connaissait les noms des grands collectionneurs et marchands juifs particulièrement frappés : Rothschild, David-Weill, Schloss, Rosenberg, Wildenstein, Kann. On ne connaissait rien du détail : aucun livre d’histoire n’avait été écrit sur le sujet. Les archives, d’ailleurs difficilement localisables, n’avaient pas été exploitées depuis les opérations de restitution de la Libération et l’incrimination des seuls hauts responsables, au procès de Nuremberg.

Depuis, les travaux de la Mission dite Mattéoli (Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France) rendue possible par la détermination de Jacques Chirac dans son discours au Vel d’Hiv’ de juillet 1995, de nombreuses enquêtes de journalistes, quelques publications de travaux d’historiens ont déclenché une relance des revendications émanant d’ayants-droit de personnes spoliées, et une reprise des investigations par les institutions patrimoniales mises en cause. Ce mouvement a été encouragé par l’opiniâtreté des instructions et l’accompagnement attentif des requérants dont, depuis 2000, ont fait preuve les agents de la CIVS (Commission d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation). Au-delà du caractère médiatique de la divulgation ou de la résolution de quelques cas spectaculaires, deux aspects jusqu’alors négligés des spoliations d’œuvres d’art émergent à la faveur de la recherche sur Francis Harburger : le rôle de Vichy et de ses officines ; le sort des ateliers d’artistes.

Les artistes juifs, qui constituaient l’essentiel de cette communauté aux limites un peu floues que l’histoire de l’art, dans sa grande paresse, appelle l’École de Paris, étaient particulièrement nombreux dans la capitale à la fin des années 1930. Entre la déclaration de la guerre (qui jeta beaucoup d’entre eux, détenteurs d’un passeport allemand, dans les camps d’internement de Gurs, des Milles, et d’autres) et l’invasion de la zone sud, tous n’eurent pas l’heureux destin de Chagall que des filières amies parvinrent à faire sortir de France avec sa famille et tout son fonds d’atelier.

Après-guerre, Chagall témoignera humblement de sa chance : en 1951, préfaçant en yiddisch un livre-mémorial, Nos artistes martyres, qu’un amateur-militant, Hersch Fenster, publie à compte d’auteur pour célébrer la mémoire des dizaines de peintres et de sculpteurs juifs décimés dans les camps, il écrit :

« Les ai-je tous connus ?

Ai-je été dans leur atelier ? Ai-je vu de près ou de loin leurs œuvres d’art ?

Et maintenant, je sors de moi-même, de mes années, et me dirige vers leur tombe inconnue.

Ils m’appellent, m’attirent dans leur tombe, moi l’innocent,

moi le coupable.

Ils me demandent : Où étais-tu ? Je me suis sauvé ...

Eux, on les a conduits vers les douches mortelles. Là, ils ont connu le goût de leur sueur et ont aperçu la lumière de leurs tableaux inachevés (...) ».

Dans un ouvrage récemment réédité5, Nadine Nieszawer a dressé les biographies de cent cinquante-et-un peintres juifs, originaires d’Europe centrale et orientale6, qui s’installèrent ou passèrent par Paris après 1905. Comme le souligne Claude Lanzmann dans sa préface, soixante-quatre d’entre eux furent victimes de l’entreprise exterminatrice.

De la plupart de ces artistes persécutés, déportés et assassinés, les œuvres ont disparu. On ne peut chiffrer, entre vandalisme et spoliations, la quantité d’œuvres qui s’est ainsi volatilisée et celles qui ont été dispersées7. Ce ne sont donc pas seulement des vies qui furent brisées, c’est un pan entier de la création artistique dont Paris avait été le cadre qui fut ainsi pulvérisé et qui échappe à l’histoire de l’art. Mais les artistes assassinés par les nazis ne sont pas les seuls dont les œuvres manquent aujourd’hui, consécutivement aux arrestations et aux rafles. Aux fuites précipitées, qui laissèrent abandonnés les appartements et les ateliers, succédèrent les plus abjectes opérations de pillages : celles qui furent conduites par les services allemands dans le cadre d’un programme européen qu’ils intitulèrent « l’Action Meubles ». Il s’agissait, pour les forces d’occupation, de récupérer tout le mobilier meublant et les effets personnels des bannis et des proscrits pour « réparer » les dommages causés en Allemagne par les bombardements alliés et pour équiper les colonies de peuplement aryennes que le Reich entendait installer sur les territoires de l’est vidés des populations déportées. Les œuvres d’art n’étaient point exclues du zèle aveugle de l’Occupant, au point qu’une note furibarde d’un fonctionnaire ayant inspecté à Wüppertal un arrivage d’œuvres confisquées admoneste son correspondant à Paris en le priant de cesser ces expéditions dont le style déshonore l’Allemagne hitlérienne. Parallèlement à ces exactions commises par l’Occupant, les milieux collaborationnistes officiels ou officieux, publics ou privés, développèrent leurs propres opérations de rapines. La documentation archivistique est évidemment peu fournie pour ce qui concerne les prélèvements opérés par les concierges et les voisins disposant des clefs des appartements et des ateliers. Ils sont vraisemblablement très nombreux. Ce pillage de proximité apparaît en discret filigrane dans les archives judiciaires de la Libération : les policiers et les juges d’instruction posent des questions ; sous les réponses pointe l’évocation d’appartements abandonnés pendant des années, de logements sur le point d’être réquisitionnés par les Allemands, de loyers et de charges impayés... Une procédure plus « officielle » est à l’origine de dispersions plus aisément repérables : l’aryanisation économique conduite sous les auspices du Commissariat Général aux Questions Juives : il ne semble pas qu’elle ait directement touché des fonds d’atelier : s’agissant des œuvres d’artistes contemporains, c’est lorsqu’elle s’est abattue sur des marchands d’art que des ensembles, provenant d’artistes sous contrat avec des galeries, ont été emportés dans la tourmente : vers l’Hôtel Drouot, où les ventes de « séquestre de biens israélites » étaient, à certaines époques, quotidiennes, ou vers les marchés aux puces lorsque les œuvres – aux yeux de l’ « Administrateur Provisoire Aryen » – ne « méritaient » pas le marteau du commissaire-priseur.

L’histoire des vols dont Francis Harburger fut la victime, puis l’enquêteur courageux, lui a permis d’accéder, puis à sa fille Sylvie d’en approfondir les ressorts soixante-dix ans plus tard, à un niveau d’abjection que ne révèlent ni les archives de l’Occupant, ni celles de Vichy et du Commissariat Général aux Questions Juives, mais plus exactement certains cartons des archives judiciaires de la Libération rendus publics en 2013 par l’historien Jean-Pierre Le Crom dans son livre sur les organisations humanitaires pendant l’Occupation8. Après les bombardements alliés sur Boulogne-Billancourt de mars 1942, une organisation à mi-chemin entre le para-militaire et le « caritatif » est créée sous les auspices du Parti Populaire Français de Jacques Doriot et du Rassemblement National Populaire de Marcel Déat : le COSI (Comité ouvrier de secours immédiat). Cet organisme, dont la quarantaine des édifiantes pages que lui consacre Le Crom constituent la première étude publiée, est d’abord présidé par Georges Yvetot, figure historique du syndicalisme révolutionnaire, ancien dreyfusard dont – ironie des reniements – les textes étaient traduits et publiés, au début du siècle, dans le Yiddischer Arbeiter… !9 Le COSI reçoit une sorte de délégation de service public de la part du gouvernement de Vichy par l’intermédiaire de son ambassadeur en zone Nord, Ferdinand de Brinon qui en est son président d’honneur, visant à lui confier le soin de remeubler et d’indemniser les sinistrés des bombardements. Le budget du COSI est considérable puisque Brinon obtient de l’ambassade d’Allemagne qu’il soit attributaire des fonds provenant de « l’amende du milliard » infligée par le Militärbefelshaber in Frankreich aux Juifs de la zone Nord et perçue directement par le Reich. Le Crom relate en détail la corruption qui régnait au sein du COSI et les trafics auxquels se livraient ses militants qui avaient accès aux stocks de meubles constitués par les Allemands provenant du vidage des appartements occupés par des Juifs. Le COSI, ne parvenant même pas à les redistribuer, les faisait vendre aux enchères pour financer les « frais de fonctionnement » de son équipe de direction dont les enquêtes de la Cour de justice de la Seine révèleront en 1946 qu’elle prenait ses repas chez Maxim’s. C’est grâce à la formidable obstination que Francis Harburger déploiera à son retour d’Algérie pour retrouver ses œuvres de jeunesse perdues, disparues de son atelier de la rue Hégésipe Moreau, que cet aspect – collatéral dirait-on désormais – des spoliations ressurgit aujourd’hui. Le détail des circonstances qui permirent à cette officine fasciste de s’approprier les biens de Francis Harburger n’est connu que grâce à la patiente enquête qui conduisit l’artiste, en 1948, à écumer les marchés aux puces des portes de Paris. Il y retrouva certaines de ses peintures (dont les magnifiques Les Lavandières [2905 SH] qu’il eut la générosité d’offrir, plus tard, au musée de Castres) puis, remontant les filières, de puciers en brocanteurs, il parvint à identifier un huissier de Sceaux qui reconnut avoir procédé à plusieurs ventes sur adjudications à la requête du COSI. Cette quête aux tréfonds des eaux glauques de la spoliation, n’entamait nullement, par ailleurs, les capacités créatrices de Francis Harburger et son exploration de terrains nouveaux dans laquelle s’investissait son inspiration. Pourtant, ce qu’il me faut bien appeler « le cas Francis Harburger », révèle une autre surprise, très symptomatique des circuits tortueux et inattendus pris par les œuvres spoliés aux Juifs. Francis Harburger, à la déclaration de la guerre, avait mis en protection, dans la chambre forte de l’Alliance Israélite Universelle, un ensemble d’œuvres (de lui-même et d’artistes amis). L’Alliance et, plus précisément, sa formidable bibliothèque, constitua, dans les tous premiers jours de l’Occupation de Paris, un des objectifs premiers des sinistres visites organisées par l’ERR, l’organisme crée par le « théoricien » nazi Alfred Rosenberg et qui fut chargé, par Hitler et Goering, de dépouiller les plus remarquables collections artistiques et culturelles appartenant à des Juifs. Au début des années 1960, Francis Harburger apprit qu’il n’avait pas été identifié par les services Alliés comme étant le propriétaire de ses œuvres saisies par les nazis à l’Alliance et retrouvées à Hungen, dans la Hesse, parmi les stocks de livres destinés à constituer le fonds d’étude de l’Institut de recherche sur la question juive de Francfort. Transférées à Offenbach fin 1945, puis au Collecting-Point de Wiesbaden en 1946 et malgré la méfiance puis les protestations exprimées par la CRA (Commission de récupération artistique) en 1949, elles sont considérées comme des « biens juifs en déshérence », et remises en 1951 à un organisme dépendant de l’Agence Juive, le JRSO (Jewish Restitution Successor Organization) qui avait pour objet d’expédier des biens non restitués en Palestine au profit du jeune État d’Israël. C’est ainsi que dix de ses peintures, acheminées d’Allemagne, se retrouveront d’abord au musée Bezalel puis huit d’entre elles (les deux autres ont re-disparues) transférées au Musée d’Israël qui ne lui en retournera que trois en 1961. Entre 1952 et 1961, quatre ont fait l’objet d’échanges au profit du Musée d’Israël : trois avec un dénommé Rosner dont les conservateurs israéliens disent qu’il était un marchand et un avec le Dr Heinrich Feuchtwanger, grand collectionneur israélien de Judaïca. En 2008, Sylvie Harburger se fera restituer le dernier Harburger, une sorte de MNR israélien10… Et sa grande peinture d’André Favory, Les Baigneuses, qu’Harburger avait souhaité protéger dans la chambre forte de l’Alliance où elle fut saisie par l’ERR, faisait également partie du lot d’œuvres expédié depuis Nuremberg vers Israël par le JRSO, mais elle demeure introuvable …

Introuvable, tout comme les peintures qui se trouvaient chez les parents de l’artiste qui furent également spoliées ; celle qui figurait dans la collection de Charles Isay, lui aussi spolié ; et les trois en possession d’André Valency, qui le fut aussi ; voilà des notices de catalogue raisonné qui remplissent une mission mémorielle dont l’exemple pourrait être suivi : rendre compte et consigner les crimes des nazis perpétrés contre les œuvres.

Une nouvelle histoire des œuvres d’art, moins canoniques, qui eurent à souffrir de l’avidité des nazis commence seulement à être connue, grâce à l’obstination des collectionneurs et des artistes qui en furent les victimes. En leur sein, la belle figure de Francis Harburger émerge de façon exceptionnellement paradoxale : alors que son obstination et son opiniâtreté de limier auraient pu – puisqu’il s’agissait de retrouver des peintures au moins vieilles de dix ans – le conduire à piétiner dans son style d’avant la guerre, à le répéter pour « remplacer » les œuvres disparues, c’est pourtant le moment, comme le déploient les notices de ce catalogue raisonné, où s’expérimentent, avec liberté et générosité, des orientations et des expérimentations nouvelles.

Mais au-delà des spoliations, la scrupuleuse exactitude et les précisions dûment documentées dont Sylvie Harburger a assorti les historiques des œuvres de son père sont telles que la lecture de leurs pedigrees, aussi factuels, neutres et objectifs soient-ils, ouvrent à des réflexions qui touchent tout autant à la gestion des collections publiques qu’à l’opacité croissante du marché de l’art. On y comprend que La Petite Infante, 1929 [ 2904 SH] du catalogue raisonné, achetée par l’État en 1937, inventoriée par le Fonds national d’art contemporain sous le numéro 14770, n’est plus localisée à la mairie d’Aulnay-sous-Bois où elle avait été mise en dépôt l’année de son achat. Cette peinture n’est localisée nulle part ; trivialement : elle a disparu des radars. Ce sont des choses qui arrivent, même aux œuvres des collections publiques. Mais seul le catalogue raisonné des œuvres de Francis Harburger indique la « non-localisation » de La Petite Infante dont il donne une photographie provenant des archives de l’artiste, tandis que la base de données du FNAC s’en tient à sa présence à Aulnay-sous-Bois sans l’illustrer d’une reproduction puisque l’œuvre n’a manifestement pas été photographiée lors de son entrée dans le patrimoine national. Cette absence de transparence des collections publiques est à mettre en écho avec les nouvelles modalités qu’Internet ouvre au marché de l’art : le catalogue raisonné des œuvres de Francis Harburger révèle que onze peintures ont été récemment vendues sur eBay, quatre d’entre elles datées d’avant l’Occupation sans qu’on puisse établir si elles ont fait l’objet de spoliations. eBay : toutes les apparences (et les avantages ?) conjugués et cumulés des ventes aux enchères et des ventes à la bougie… Mais qui tient le marteau ? Où est le commissaire-priseur qui engage sa responsabilité sur la consistance et la provenance du lot ? Où sont les archives de la vacation qui diront à l’historien d’où venait l’œuvre et qui l’a achetée ?

 

 

Notes

1. cf http ://www.culture.gouv.fr/documentation/mnr/MnR-jdp.htm

2. à l’exception notable du catalogue raisonné en ligne des œuvres de Salvador Dali

(http ://www.salvador-dali.org/cataleg_raonat/index.php) qui précise : “During World War II this work was looted by the German army occupying France and was kept in storage in the Jeu de Paume museum in Paris in the ‘salle des Martyrs’ from 1940 to 1944.“

3. A. C. I. Art Catalogue Index, Catalogues raisonnés of artists, 1780-2008, juin 2009,

512 pages, BFAS Blondeau Fine Art Services, Genève, Suisse ; ISBN : 978-3-905829-53-2

4. Pour l’essentiel, cette partie du texte est reprise et actualisée de ma préface à : Harburger, Caroline Larroche, Altamira Ed., Paris 2002.

5. Nadine Nieszawer, Marie Boyé et Paul Fogel, préface de Claude Lanzmann, Peintres juifs à Paris, 1905-1939, Paris (Denoël), 2000, 366 pages. Réédition revue, augmentée (dont des auteurs Deborah, Boris et Arthur Princ) et trilingue (français, anglais et russe), Paris (Somogy), 2015, 568 pages.

6. Francis Harburger, peintre juif français, en est donc exclu.

7. ... et il y a fort à craindre que toutes celles qui ont résisté aux pillages et que les circuits délictueux de l’art spoliés ont jeté sur le marché s’y soient retrouvés défigurées par un anonymat qui ne permettra plus jamais de les identifier : œuvres d’artistes presqu’inconnus elles auront violemment été extraites des ateliers sans porter la moindre signature ...

8. Jean-Pierre Le Crom, Au secours, Maréchal ! L’instrumentalisation de l’humanitaire

(1940-1944), Paris (P.U.F.), 2013, 346 pages.

9. Sur Yvetot et les militants ouvriers juifs cf Nancy L. Green, Les Travailleurs immigrés juifs à la Belle époque, Paris, Fayard, 1985 ; sur Yvetot Président du COSI cf Simon Epstein, Les dreyfusard sous l’Occupation, Paris, Albin-Michel 2001

10. Le site web du Musée d’Israël à Jérusalem a mis en ligne un «World War II Provenance Research Online“ : http ://www.imj.org.il/imagine/irso/AZSearchpnt.asp ?let dans lequel la provenance se cantonne à l’indication que les centaines d’œuvres dont il s’agit ont été remise par le JRSO…